« Maître, que se passera-t-il à mon décès ? Mon mari (ou ma femme), pourra-t-il (elle) continuer à habiter dans notre appartement ? Héritera-t-il (elle) ? «
Beaucoup se demandent quels seront les droits de leur conjoint à leur décès.
Précisons d’ores et déjà que d’un point de vue juridique, le conjoint est celui auquel on est marié. Ainsi ne sont pas des conjoints les partenaires pacsés et les concubins. Cet article ne les concerne donc pas.
Pour répondre à la question des droits du conjoint survivant, il faut distinguer selon les situations familiales : les règles applicables sont différentes selon que le couple avait des enfants, et si ces enfants étaient communs ou non.
1) Le couple n’a pas eu d’enfants :
En cas de décès, le conjoint survivant partage la succession avec les parents du défunt.
La part de succession réservée aux parents est d’1/4 de l’actif net de la succession chacun. Donc,
si les deux parents sont vivants, le conjoint recueille, par défaut, la moitié de la succession en pleine propriété.
Si seul un des parents est en vie, le conjoint survivant recueille les ¾ de la succession.
Si le conjoint décédé avait perdu ses deux parents, le conjoint survivant peut être amené à partager la succession avec les frères et sœurs, en vertu du « droit de retour ».
Précisément :
- Si le défunt n’avait reçu aucun bien par succession ou donation, le conjoint survivant recueille la totalité de la succession,
- En cas de donation ou succession, les fonds reçus des parents du défunt reviennent, pour moitié aux frères ou sœurs, ou à leurs enfants, le conjoint survivant héritant alors :
– De la moitié de ces biens,
– De la totalité des biens autres que ceux reçus par succession ou donation.
Ce droit « de retour légal » qui bénéficie aux frères et sœurs du défunt peut toutefois être supprimé si le conjoint décédé l’avait prévu dans un testament ou dans une donation au dernier vivant.
2) En présence d’enfants communs :
Si le couple avait des enfants communs, et sauf stipulation testamentaire différente, le conjoint survivant dispose d’une option successorale et a le choix entre :
- La totalité des biens de la succession en usufruit
- ou ¼ des biens en pleine propriété.
Ce choix est libre.
3) En présence d’enfants du défunt nés d’une précédente union :
Si le conjoint décédé avait des enfants issus d’une précédente union, le conjoint survivant ne recueille que le quart des biens en pleine propriété.
4) Quel est le sort du logement de la famille lors du décès du conjoint ?
- Un droit temporaire au logement, dans tous les cas :
Quelle que soit la situation, le conjoint survivant dispose d’un droit temporaire et gratuit au logement, pendant un an à compter du décès de son conjoint.
Ainsi, si le défunt était propriétaire de l’appartement dans lequel le couple habitait, le conjoint survivant pourra continuer à l’occuper pendant un an sans devoir quoique ce soit à la succession.
Si le logement est une location, la succession doit prendre en charge le loyer pendant un an.
- Le droit viager au logement
Par ailleurs, si le couple était propriétaire en commun du logement familial ou si le conjoint décédé en était le propriétaire unique, le conjoint survivant dispose d’un droit viager au logement.
Il peut donc l’occuper toute sa vie.
Ce droit viager au logement, contrairement au droit temporaire d’un an, n’est pas gratuit. Sa valeur vient donc en déduction des droits du conjoint survivant dans la succession.
En revanche, même si la valeur de ce droit viager excède la valeur des droits du conjoint (par hypothèse, le ¼), ce dernier pourra quand même en bénéficier sans devoir quoi que ce soit à la succession.
Beaucoup de ces règles peuvent être aménagées par testament ou par le biais d’une donation au dernier vivant. Prendre le temps d’organiser et de préparer sa succession peut éviter bien des conflits entre les héritiers.
Protection du conjoint survivant : le legs universel comme alternative à la donation au dernier des vivants.
Le statut du conjoint survivant a grandement été renforcé par la loi du 23 juin 2006.
Le conjoint survivant bénéficie depuis d’une protection et de droits accrus tels que la réserve héréditaire en l’absence de descendants, un droit de jouissance gratuite du logement conjugal et des meubles meublants, suivi, sur demande de l’époux, d’un droit d’usage et d’habitation viager sur les mêmes biens.
Ce renforcement des droits du conjoint survivant par le législateur a répondu à une attente grandissante de la société, attribuant ainsi au conjoint une véritable place dans la succession du défunt.
Il semble d’ailleurs que ce statut protecteur ne le soit pas encore assez aux yeux d’une grande majorité de couples mariés qui ont alors recours aux libéralités pour augmenter davantage les droits du survivant afin de favoriser ce dernier lors du règlement de leur succession.
L’acte communément établi est la donation notariée au dernier des vivants laquelle permet au donataire de choisir parmi les quotités disponibles entre époux de l’article 1094-1 du Code civil, à savoir :
- La quotité disponible classique déterminée selon le nombre d’enfants laissés par le défunt (1/2 du patrimoine successoral pour un enfant, 1/3 pour deux enfants et ¼ pour trois enfants et plus).
- ¼ en pleine propriété du patrimoine successoral et les ¾ restants en usufruit
- La totalité du patrimoine successoral en usufruit seulement
Il importe pourtant d’indiquer que les mêmes quotités peuvent être attribuées au conjoint survivant aux termes d’un testament, même olographe.
En effet, le testateur qui institue son conjoint en qualité de légataire universel de son patrimoine lui confère les mêmes avantages qu’une donation au dernier des vivants.
Bien plus, le conjoint survivant légataire universel de trouve investit, dès le décès de son époux, de la pleine et entière propriété de la totalité du patrimoine successoral, à charge pour lui d’indemniser les héritiers réservataires à hauteur de leur réserve.
Le conjoint fait effectivement, partie des héritiers expressément désigné par la loi (articles 724 et 731 du Code civil) de sorte qu’il est de plein droit saisi des biens, droits et actions du défunt.
Il a d’ailleurs été jugé qu’en sa qualité d’héritier légal, le conjoint survivant institué légataire universel du défunt est dispensé de la nécessité de demander la délivrance de son legs, et ce, quelle que soit l’étendue de la vocation conférée par ce legs (Civ. 1ère 20 mars 1984, Bull. civ I n°108 ; Civ. 1ère 20 novembre 2001, Bull Civ I n°288 ; Civ 1ère 3 février 2004, Bull. civ I n°40 et Civ. 1ère 6 décembre 2005, Bull. civ I n°483).
Il importe enfin de préciser qu’aux termes de l’article 924 du Code civil, la réduction des libéralités excessives s’effectue en valeur uniquement au moyen du versement d’une indemnité dite de réduction, et non en nature.
Le legs universel permet donc au conjoint survivant de conserver la totalité du patrimoine successoral, à charge pour lui de payer une soulte aux enfants de ce dernier.
Le testament offre ainsi une véritable alternative à a donation au dernier des vivants et permet même d’aller encore plus loin dans la protection du conjoint survivant.